La veuze

Les cornemuses

La veuze est une cornemuse, c'est-à-dire un instrument qui possède une poche servant de réservoir pour l'air qui sert à faire vibrer les anches.
Avant que cette technique soit inventée, on utilisait l'insufflation continue : l'air conservé dans la bouche permettait de jouer en continu, sans que la musique cesse. Cette méthode consiste à utiliser le gonflement des joues comme réservoir d'air pendant un bref instant, suffisant pour inspirer par le nez, tout en continuant à alimenter en air un ou plusieurs tuyaux sonores. On retrouve encore cette façon de jouer, de nos jours, en Sardaigne, au Pays basque, en Afrique du nord, en Inde, en Extrême-Orient.
Il est extrêmement difficile de dater l'apparition de la cornemuse. Pour certains chercheurs, il faut remonter aux civilisations sumériennes ou égyptiennes, mais les témoignages les plus sûrs datent de la Grèce antique (4ème siècle avant JC).
Le principe de cet instrument est resté le même: une poche en cuir, un chalumeau doté d'une anche pour la mélodie et un bourdon. Quelques améliorations ont été apportées dans certaines régions: rajout d'un soufflet pour gonfler la poche, adjonction d'un ou plusieurs bourdons, clés d'octave, poches en matière non poreuse…

Les traces les plus anciennes de la présence de la cornemuse dans notre région remontent au Moyen-Age. Ce sont des représentations sculptées ou peintes de joueurs, hommes ou animaux, que l'on retrouve dans les églises, sur les façades de maisons, dans les enluminures des livres d'heures, les tapisseries…

L'adjonction du soufflet date sans doute de la fin du 16ème siècle. Cet instrument, appelé musette, va connaître un très grand succès auprès de l'aristocratie jusqu'au milieu du 18ème. Des compositeurs comme Rameau ou Lully l'utiliseront dans certains de leurs opéras.
La musette sera abandonnée par la noblesse vers 1750. Ce seront alors les bourgeois et les paysans du centre de la France qui l'utiliseront. La cabrette auvergnate provient d'une évolution de la musette de cour.
Les cornemuses sont des instruments répandus dans le monde entier. Voici par exemple un essai de situation des cornemuses en Europe.

Et la veuze alors ?

Il y a peu de sources sûres avant le 18ème siècle. Cependant, une enluminure du livre d'heures d'Anne de Bretagne représente un musicien jouant d'une cornemuse quasi identique aux veuzes actuelles.
Noël du Eail parle des fées des environ de Rennes dansant au son d'une belle "vèze" couverte de cuir rouge (Propos rustiques).
Chateaubriand cite la veuze à Combourg.
Buffet (La Haute Bretagne) dit que les cornemusiers étaient devenus fort rares dès 1816, et, dans le pays de Fougères, la cornemuse appelée la vèze n'était plus utilisée que le jour du Mardi-Gras.
Il semble donc bien que cet instrument ait eu une zone d'expansion beaucoup plus grande mais qu'elle se soit rétrécie au pays nantais et au marais breton.

C'est comment?

C'est une cornemuse d'un modèle primitif, comme le biniou kozh, la gaïta, la duda…
On distingue:
*la poche de cuir et les souches pour y fixer les autres pièces
* le chalumeau sur lequel est jouée la ligne mélodique
* le portevent qui permet de gonfler la poche
* le bourdon qui donne une note continue d'accompagnement.

La poche de cuir est aussi appelée le "sac" ou la "bousine". Elle est découpée dans une peau de mouton.
Elle possède un ventre qui porte les souches du portevent et du bourdon, un col effilé et étroit au bout duquel est fixé la souche du chalumeau. La partie inférieure de la poche est cousue et renforcée par une bande de cuir qui est aussi cousue et collée.

Les souches sont les parties dans lesquelles viennent s'insérer les tuyaux. Elles sont ligaturées solidement, à l'aide de fil poissé, au niveau des trois orifices de la poche.

Les anches sont les parties vibrantes de l'instrument.
Celle du bourdon est une anche simple dite anche "battante". Elle est taillée dans du sureau ou du roseau.
Celle du chalumeau est une anche double, comme celle d'un hautbois.

Les tuyaux sont en bois : buis, cormier, fruitier, mais aussi, pour les veuzes fabriquées actuellement en ébène.

La fin d'une tradition

Dans les années 1925- 1930, la pratique de l'instrument s'arrête.
Les causes en sont multiples.
*Concurrence de nouveaux instruments, l'accordéon en particulier. Mais depuis longtemps déjà la veuze avait de rudes concurrents : à Sautron vers 1835, les noces des pauvres sont menées à la veuze, mais celles des riches au violon.
*Déclin de la culture populaire au profit des modes venues de Paris.
* dédain de l'instrument passé de mode
* plus de fabricants…

L'entourage même des veuzous ne veut plus qu'ils continuent à jouer. La femme de Jean Marie Renaud, dit le père couac, découpa la poche de sa veuze à l'aide de ciseaux. La nièce de Moranton, le rouge de Bréca, cassa le chalumeau de sa veuze, mais aussi son violon et son accordéon!

… Et la relance !

Dès les années 30, des passionnés vont effectuer des recherches et en 1942, un luthier, Dorig Le Voyer tourna quelques veuzes.
Dans les années 1970, les recherches se font plus précises et les passionnés de l'instrument vont créer une association : "sonneurs de veuze". Actuellement plusieurs dizaines de veuzous redonnent vie à l'instrument!

Les occasions de jeu

Les veuzous intervenaient pour toutes les occasions joyeuses : mariages, kermesses, baptèmes, aires nouvelles, fêtes du dimanche…
On trouve aussi trace d'un veuzou pour les "lutteries" de Saint Molf.
Actuellement les occasions de jeu sont les mêmes, mais on peut y rajouter les concerts et les spectacles de cercles de danse.

Jeux de mots…

Dans le pays gallo on désigne la cornemuse traditionnelle par le mot "veuze" ou parfois par le terme "bousine" qui est un peu péjoratif.
Le mot veuze viendrait du latin vesica qui signifie petite poche, et bousine de buisine, désignant un instrument fabriqué en buis…

Dans la tradition populaire, une veuze est

*une cornemuse du pays nantais
* l'accordéon diatonique
* un gros ver blanc qui avance en se pliant et se dépliant comme un accordéon
* L'harmonium à l'église
* le soufflet de la cheminée
* une danse de St Jean de Boiseau (en chaîne) et de Héric (en quadrette).

De nombreuses expressions font allusion à l'instrument

* il est raide comme une veuze : Il a la peau du ventre tendue, il a bien mangé.
* qué grosse veuze : quel gros porc (c'est pas gentil gentil!)
* une veuzaille ou veuzée est le résultat d'une trop grande consommation de boissons alcoolisées…
* il n'y a plus de vent dans la veuze : il est mort.
* un veuzon est un gosse qui pleure
* c'est aussi un instrument fait d'un gros bouton (ou d'un morceau d'ardoise) et d'un bout de fil. On enfile une ficelle dans deux trous diamétralement opposés, on ferme la boucle. On enroule le fil de chaque côté du bouton. Puis on tire et le bouton se met à tourner en émettant un son continu.
* vezouner est le bruit d'un moustique mais aussi celui des "taqueneaux" (taons).
* avoir le veuzon qui fonctionne signifie marmonner sans arrêt.
* avoir le veuzon veut dire avoir le bourdon (pas le moral).
* prendre le veuzon, c'est se mettre en colère ou prendre la mouche.